- JOBELIN
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JOBELIDans la première édition imprimée de François Villon (Pierre Levet, 1489), six ballades en argot sont rassemblées sous le titre: Jargon et jobellin . Le second terme doit préciser le premier; on pense qu’il désigne le jargon des gueux; mais, si on le rapproche du mot «jobe» (niais, sot), on peut se demander s’il ne s’applique pas au langage des «sots» et de la «sottie», dont l’obscurité est jusqu’ici attribuée à une fantaisie irrationnelle. Les critiques se sont pourtant surtout intéressés à l’argot des coquillards, ces brigands dont le procès, en 1455, a permis de mieux comprendre certaines métaphores concernant le vol et le jeu. On sait que Villon était en rapport avec des coquillards, notamment Colin de Cayeux. Pierre Guiraud a cru pouvoir dégager les trois niveaux de signification de ce jobelin: le langage des malfaiteurs, celui des joueurs professionnels et celui de sodomites très spécialisés. En fait, ce troisième niveau reste très problématique. Mais, pour expliquer les suggestions sexuelles, voire homosexuelles, du jobelin, il faudrait revoir de plus près le langage des sotties. Dans ces divertissements carnavalesques, la raillerie et le dénigrement se nourrissent d’un argot où l’on reconnaît au moins quelques types homosexuels, y compris Coquillard et Mère Sotte, dont certaines confréries d’amuseurs, comme les Galants-sans-souci, ont pu se faire une spécialité. Or, s’il est vrai que Villon a eu des contacts au moins épisodiques avec les malfaiteurs de grand chemin, il est évident qu’il était en étroit rapport avec des confréries, comme celle de la Basoche du Châtelet, qui jouait une sottie le jour du Mardi gras. Ne faut-il pas chercher de ce côté le maillon qui manque à la chaîne explicative du jobelin? Entre la subversion et l’inversion, il y a place pour le divertissement et son langage de carnaval.• XVe; de jobe → jobard♦ Argot des gueux et des maquignons, au XVe s.jobelin, ine [ʒɔblɛ̃, in] adj. et n. m.ÉTYM. V. 1460, Villon, adj., au sens II; n., v. 1470; selon Guiraud, déverbal de jobeliner « parler du gosier, parler un langage inarticulé, incompréhensible », de job « gosier » (→ Jaboter, jargonner), avec influence de jobe « niais »; → ci-dessous cit. 3; et Jobard (cf. aussi jobiner « dépouiller », XVIe).❖———1 Monsieur Kupfergrun s'installa en pleine clarté, et le halo d'une des hautes chandelles de suif sanctifia d'or liquide sa bonne face jobeline.Jean Ray, les Derniers Contes de Canterbury, p. 22.———II N. m. (V. 1470; cf. le Jargon et Jobelin de maistre François Villon, 1489). Ling., hist. Argot des gueux, au XVe siècle. ⇒ Jargon.2 (…) l'argot véritable — pas celui qui est trop « fabriqué » — est en fait une langue relativement stable, car sans tradition écrite, elle a conservé des termes utilisés déjà par Villon dans ses ballades en jobelin.R. Queneau, Bâtons, Chiffres et Lettres, p. 70.3 Le jargon est un langage cryptique destiné à soustraire la communication à l'intelligence des dupes. Le jobelin est un langage mystificateur, tel celui de Pathelin délirant au fond de son lit.Lorsque Villon présente les ballades argotiques comme le jargon et jobelin Me François Villon, il s'agit bien de deux mots différents : elles sont écrites dans le jargon des Coquillards et sous une forme codée qui a pour but de mystifier le lecteur.Pierre Guiraud, Dictionnaire des étymologies obscures, p. 363.
Encyclopédie Universelle. 2012.